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Tapage
4 janvier 2008

article de courrier international sur la syrie

                                                                                                                                      
SYRIE •             Damas en panne de stratégie diplomatique          
Conséquence des nouveaux rapports de force qui se sont établis au Moyen-Orient, le régime syrien est de plus en plus isolé. Bref, il est temps que les stratèges de Damas revoient leur copie, estime l’écrivain palestinien Majed Kayali.
         
Bachar El-Assad
AFP
Grâce à sa position géographique et à sa ligne politique, la Syrie a acquis tout au long des trois dernières décennies un poids régional sans commune mesure avec ses capacités militaires et économiques. Non seulement elle occupe une place toute particulière au Liban depuis le début de la guerre civile [1975], mais elle tire fort bien ­profit,­ depuis le déclenchement de la guerre en Irak [2003], de ses liens privilégiés avec l’Iran.
Plus généralement, elle intervient régulièrement dans la question ­palesti­nienne et dans le conflit israélo-arabe. Mais les conditions internationales et régionales qui lui ont permis de jouer ce rôle sont en train de changer. Certaines des cartes qu’elle pouvait jouer à son profit dans le passé sont désormais susceptibles d’être utilisées contre elle. Et puis, à notre époque, les acteurs internationaux et régionaux ne permettent plus à des pays de la taille de la Syrie de jouer un rôle politique et sécuritaire au-delà de leurs propres frontières. Or Damas persiste à croire que son rôle régional est une donnée fixe, acquise une fois pour toutes, et pense pouvoir se dispenser d’une adaptation aux changements stratégiques qui ont remodelé la scène internationale. A savoir :
1 – La chute de l’Union soviétique. Désormais, les Etats-Unis constituent le seul pôle d’hégémonie internationale. Cette disparition du monde ancien a joué au bénéfice d’Israël et au détriment de la Syrie. Ce dernier pays avait profité largement de la bipolarité pour faire monter les enchères à propos de sa politique extérieure.
2 – L’effondrement de la solidarité entre pays arabes depuis l’occupation irakienne du Koweït, en 1990, puis l’occupation américaine de ­l’Irak en 2003.
3 – Les changements de la politique américaine depuis les attentats du 11 septembre 2001, avec sa guerre contre le terrorisme et ses projets d’intervention, de tutelle et de transformation du monde arabe.
4 – Le passage des pays arabes d’une logique de confrontation à la recherche d’une cohabitation, voire d’une entente avec Israël. Le conflit israélo-arabe avait conféré au régime de Damas un ascendant, mais ce conflit n’est plus une priorité sur ­l’agenda des autres régimes arabes, notamment depuis que les Palestiniens ont pris leurs affaires en main, avec l’établissement de l’Autorité palestinienne, en 1993.
5 – La fragmentation de la scène politique libanaise, à la suite du retrait syrien du pays [avril 2005], sur la question de savoir comment il convient de traiter avec Damas.
6 – Le poids croissant de l’Iran au détriment des autres pays du Moyen-Orient, y compris la Syrie.
7 – L’importance grandissante des volets économique, financier, technologique et scientifique. Ceux-ci comptent désormais davantage que les éléments traditionnels de puissance, tels que la superficie d’un pays, le nombre de ses habitants ou sa force militaire.
8 – La mondialisation, qui érode la souveraineté nationale de nombreux pays, qui ne sont d’ailleurs plus en mesure de mener leur propre politique étrangère face à la domination unilatérale américaine.
La question palestinienne est ­désor­mais entre les mains d’une sorte de tutelle internationale dominée par les Etats-Unis. Les négociations pour une solution globale du conflit israélo-arabe, malgré toutes leurs ­difficultés et inconvénients, sont une réalité internationale.
Quant au Liban, il est devenu une source de menaces et de pressions pour la Syrie. De même, le chaos politique, sécuritaire, confessionnel et ethnique qui règne en Irak pourrait finir par se répercuter négativement sur la Syrie. Et les relations avec l’Iran ne sont pas non plus sans poser certains problèmes, en raison des ambitions régionales iraniennes, notamment en Irak. Au niveau arabe, de nouveaux défis apparaissent, tels que le sous-développement économique, la propagation des tensions ethniques et confessionnelles, et l’influence croissante de groupes fonda­mentalistes radicaux. Finalement, dans la configuration régionale qui est en train de se cristalliser, il semble que l’avenir du Moyen-Orient sera déterminé par les trois puissances qui s’affirment régionalement, Israël, l’Iran et la Turquie – c’est-­à-dire à l’écart des pays arabes.
Cela dit, il ne faut pas conclure que la Syrie n’a plus de rôle régional à jouer. Il s’agit plutôt pour elle de tenir compte des nouvelles réalités et de s’y adapter. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait en participant fin novembre à la conférence internationale d’Annapolis pour la paix. De l’avis de plusieurs analystes et ­obser­vateurs, c’était un pas dans la bonne direction, une décision en rupture avec le schéma politique habituel du régime syrien.
De manière générale, Damas devrait moins miser sur des leviers extérieurs que chercher à consolider sa situation intérieure par davantage de participation populaire, de plura­lisme et de démocratie. De même, la Syrie devrait chercher à devenir une puissance économique et donc favoriser la croissance en permettant à la société de déployer ses énergies, en encourageant les investissements et en améliorant son enseignement. Une Syrie réconciliée avec elle-même et en phase avec son époque aurait plus d’influence et serait mieux à même de faire face aux menaces extérieures.
Majed Kayali
Al Hayat
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